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Sur le tournage du clip « Videodream », un flirt urbain réalisé par Lior Nadjar

Sur le tournage du clip « Videodream », un flirt urbain réalisé par Lior Nadjar

Marin Woisard
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La réalisatrice Lior Nadjar a les yeux rivés vers l’Asie avec son clip Videodream, rencontre rêvée entre Wong Kar-wai et le chill-hop de Bonjr. Elle nous révèle les secrets de fabrication de son film.

Un générique en lettres de néon, une ambiance sonore gonflée à bloc, l’enseigne lumineuse du restaurant Street Bangkok. Réunis autour d’une même table, un jeune homme encapuchonné (Leo Topalov) croise le regard d’une jeune femme sous ses lunettes de soleil (Claire Berthier). Après une première minute de son in, la mélodie de Bonjr couvre le ressac de la ville : le court métrage cède sa place au clip.

Une bulle métropolitaine sans racines

Loin de l’excitation urbaine, la réalisatrice Lior Nadjar nous plonge dans un coup de foudre fantasmé entre deux coups de baguettes. Sa bulle métropolitaine pourrait avoir été filmée à Paris, Bangkok ou Hong-Kong. L’influence évidente du cinéaste Wong Kar-wai marque autant la mondialisation des images que des solitudes, avant que n’intervienne la guérison par un rêve bleu. Une invitation à retirer sa capuche et ses lunettes pour tendre la main à l’inconnu.e.

L’artiste à l’origine du morceau, Bonjr, développe continuellement son univers par une forme d’onirisme électronique, à la croisée de Cigarettes After Sex et Nujabes. Les deux créatifs se sont bien trouvés : chacun exprime leur volonté de nous évader à la chape de béton parisienne. De la première écoute à l’accomplissement du clip, Lior Nadjar se confie sur le développement du projet, sa vision de faiseuse d’image, et son ambition de conter un fantasme contemporain. Une rencontre à cœur ouvert sur Arty Magazine.

Marin : Bonjour Lior. Peux-tu me raconter comment cette collaboration avec Bonjr est née ?

Lior Nadjar : Mon intérêt pour Bonjr vient d’une découverte hasardeuse grâce aux algorithmes Youtube. J’ai creusé son univers pour finalement avoir un coup de cœur pour l’atmosphère de I’ll Get Through it With You Next To Me, et particulièrement pour la voix de Mélanie Rosé qui m’est apparue précieuse et enivrante. Je crois que le principe de rêverie du clip n’est possible que par la simple présence de cette voix éthérée, qui possède le charme captivant du chant des sirènes.

M. : D’autres choses t’ont séduite ?

LN. : L’énergie électro du morceau mêlée à la douceur de cette voix, certainement parce que j’affectionne les oxymores et que j’aime faire combiner les contraires dans mes histoires. Je l’ai ensuite contacté avec le désir de mettre en image son monde musical, et il a accepté.

M. : Comment as-tu écrit ce format hybride de clip ?

LN. : Venant de la fiction, la présence narrative dans mes réalisations est essentielle. Intuitivement, mon esprit cherche à déployer une histoire, passant par la quête de situation, de circonstances, de désir mais aussi la création de personnages. Je suis vraiment attachée à la notion de parcours du personnage, à l’idée qu’il y a un vécu à restituer. Réussir à créer un lien empathique entre le spectateur et les personnages, c’est un idéal pour moi.

M. : Les codes du film de mode sont également très présents…

LN. : Le fashion film se présente comme un médium qui regorge de ressource à mes yeux. D’une part parce que l’intransigeance visuelle me stimule et comble mes besoins créatifs, mais aussi parce dans une exigence très poussée, le défi de storytelling en devient plus complexe, donc un véritable enjeu : comment réussir à raconter une véritable histoire quand le visuel apparaît en lui-même comme une fin en soi ?

M. : Comment le fais-tu cohabiter avec le format du clip ?

LN. : Le clip apporte de nouveau une contrainte primordiale : l’image est au service de la musique. En apparence limitant, c’est finalement l’inverse qui se produit. La musique devient le point de départ à toute idée, c’est la notion qui donne le ton. J’ai particulièrement aimé les possibilités qu’offre le clip à devoir monter en rythme, de vouloir respecter les transitions, reconnaître les mouvements du morceau, chercher le sens qu’amène la musique. En définitive, il y a quelque chose de très ludique et de révélateur dans le fait de travailler en connivence son et image.

Sur le tournage avec Claire Berthier © Jay Aparecida Rodriguez
M. : Quelle a été ton approche avec les mannequins Claire Berthier et Leo Topalov ?

LN. : J’ai appréhendé la direction d’acteurs comme dans une fiction. Déjà, il était certain qu’il fallait répéter et répéter encore, pour créer une histoire ensemble. Pour moi, c’est un principe de base pour composer et permettre de créer ce lien nécessaire qui provoque le réel dans un tournage.

 

De la même manière qu’un film avec des dialogues et une continuité, Claire et Leo avait des circonstances, des objectifs et des enjeux. Ils allaient venir avec un vrai bagage, un vrai passif de vie, et naturellement de vie sentimentale. Nous avons réussi à créer deux mondes pour les faire se rencontrer dans ce lieu improbable.

M. : Comment as-tu conçu les personnages ?

LN. : L’énergie solaire du personnage de Claire et son audace va provoquer le côté rustre mais charmant du personnage de Leo. Désillusionnés, ces personnages vont retrouver espoir. Il n’y a aucun rapport de force, mais du désir et un passage à l’acte : ce contact de main qui crée la bascule. On a pu aussi travailler en improvisation, en musique, évoquer et élaborer tout ce que l’on ne voit pas à l’écran pour qu’ils puissent comprendre et savoir la direction à suivre. Sur le tournage, nous savions quel chemin nous étions en train d’emprunter sans pour autant avoir figé un résultat attendu et péremptoire.

M. : Quel a été ton plus grand challenge créatif ?

LN. : Le grand challenge a été de mettre en place ce format polymorphe : clip, fashion film et fiction. D’autre part, de réussir à joindre une direction artistique forte avec des envies de faire apparaître une simplicité sentimentale.

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