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« Titane » : la Palme de l’audace pour Julia Ducournau

« Titane » : la Palme de l’audace pour Julia Ducournau

Marin Woisard

Un électrochoc dans les travées guindées du Festival de Cannes. Samedi 17 juillet, le Jury a déjoué tous les pronostics en remettant la récompense suprême à Titane, l’expérience absolue de Julia Ducournau.

Par trois fois, le Festival de Cannes s’est joué de toutes les attentes et a marqué son histoire : Taxi Driver de Martin Scorsese en 1976, Pulp Fiction de Quentin Tarantino en 1994 et désormais Titane de Julia Ducournau en 2021. Des films profondément subversifs et dérangeants, qui choquent leur époque sans égards, souvent hués lors des projections officielles. À la différence près que Julia Ducournau a été doublement récompensée d’une Palme d’Or et, fait rare pour une œuvre de cet acabit, d’une standing ovation au Palais des Festivals.

Le geste de Spike Lee, président du Jury du Festival de Cannes, est politique et assumé comme tel. Née il y a 5 ans avec l’étudiante vétérinaire cannibale de Grave, Julia Ducournau est la cheffe de file du renouveau du film de genre en France, revendiquant l’héritage d’un certain cinéma fougueux des années 80/90. David Cronenberg, John Carpenter et Paul Verhoeven l’ont précédée comme ses auteurs de chevet. Dans les pas de ses illustres maîtres, elle est maintenant devenue l’une des figures les plus visibles et retentissantes avec la visibilité monstre de cette œuvre en acier trempé, Titane, qui maltraite les corps et secoue les cœurs. L’ancienne élève de la Fémis se voit récompensée pour un film qui restera sans conteste comme le plus clivant de la 74ème édition du Festival.

L’hypermodernité de la Palme Titane

Faut-il le souligner, Julia Ducournau s’inscrit (tristement) comme la seconde réalisatrice à recevoir une Palme d’or, 28 ans après Jane Campion pour La Leçon de Piano, qui l’avait été sacrée ex æquo avec Adieu ma concubine de Chen Kaige. La Française est donc la première femme à recevoir une Palme d’Or seule. Il était temps : il s’agit de la 74ème édition du Festival de Cannes. Spike Lee a déclaré que seule l’œuvre avait été jugée et non le genre de sa réalisatrice, précisant que « le fait qu’elle soit une femme n’est pas entré en ligne de compte ». Preuve s’il en fallait que l’égalité des genres, surtout dans l’art, arrive par la reconnaissance des œuvres et non une discrimination positive, qui fait souvent polémique.

Le symbole est d’autant plus fort que la réalisatrice, elle, n’a pu s’empêcher d’avoir une pensée émue pour Jane la pionnière : « J’ai beaucoup pensé à Jane Campion quand je l’ai reçue, je me suis demandée ce qu’elle avait dû ressentir à ce moment-là, encore plus parce que c’était la première », a déclaré la réalisatrice, qui marque un grand coup avec son deuxième long-métrage : « J’avais cette impression d’être liée à une histoire qui me dépasse, et je pense que je vais mettre très longtemps avant de réaliser ».

Le palmarès 2021 n’est pas en reste avec trois cinéastes féminines sacrées au total : Julia Ducournau bien entendu, Jasmin Tenucci, mention spéciale du court-métrage pour Le Ciel du mois d’août, et Tang Yi, Palme d’or du court-métrage pour Tous les corbeaux du monde.

« Mais c’est quoi ce bastringue ? » Vincent Lindon, samedi 17 juillet 2021, découvrant le palmarès cannois

Un palmarès inégal pour le reste

Quant au reste des récompenses cannoises, difficile de déceler la moindre cohérence. Apichatpong Weerasethakul repart avec le prix du Jury sous le bras pour Memoria, fidèle à lui-même, énigmatique et ésotérique. Nouveauté, le cinéaste thaïlandais s’offre la star hollywoodienne Tilda Swinton qui a également produit le film. Le genou d’Ahed de l’israélien Nadav Lapid reçoit le prix ex æquo pour son brûlot engagé où un cinéaste se bat pour la liberté culturelle et politique, laissant plusieurs critiques circonspects en sortie de projection. Leos Carax s’est vu remettre le prix de la Mise en scène pour son opéra rock et lyrique Annette.

Une tendance se dessine autour de l’âge des lauréats des prix d’interprétation, tous dans leur fraîche trentaine. Après Julia Ducournau qui s’inscrit comme la plus jeune de la compétition en remportant la suprême Palme à 37 ans, l’actrice norvégienne Renate Reinsve, 33 ans, se voit récompensée pour sa performance dans Julie (en 12 chapitres) de Joachim Trier, où elle nous fait passer du rire aux larmes avec une élégance rare. Pour le prix d’interprétation masculine, c’est l’américain Caleb Landry Jones, 31 ans, qui est sacré pour sa performance dans Nitram, film choc sur l’une des pires tueries de masse en Australie.

Il est désormais temps de reprendre le chemin des salles. Titane, l’expérience absolue de Julia Ducournau, est actuellement au cinéma avec une interdiction aux moins de 16 ans.

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