Le film du week-end : « Vent chaud », une odyssée érotique et sensorielle
Comédienne et critique de film, Sidney se promet de reproduire…
Mélodrame explicitement gay signé Daniel Nolasco, Vent chaud mélange les codes du cinéma noir avec ceux du porno-thriller des années 70. Le petit dernier du cinéma queer, en pleine explosion au Brésil, dégorge de sensualité tout en effleurant des questions socio-économiques actuelles. De quoi nous mettre l’eau à la bouche sans forcément poser notre cerveau.
Sandro travaille au département ressources humaines d’une compagnie minière. A la fin de la journée il retrouve son collègue Ricardo dans la forêt avoisinante où ils ont des relations sexuelles. Régulièrement il se rend à la piscine où il fantasme sur le beau Maicon qui ne le remarque pas. Lorsque celui-ci commence à travailler dans la même compagnie, le désir de Sandro se transforme en obsession, et cela empire lorsqu’il apprend que Ricardo et Maicon ont une aventure.
Chronique moderne d’un quadra banal, gay et kinky
Après son deuxième documentaire, Mr. Leather, réalisé en 2019 et qui dressait un mini portrait de la communauté cuir brésilienne avec ses valeurs, ses enjeux politiques, sa philosophie et sa sexualité, Daniel Nolasco revient troubler nos écrans avec une fiction cent pour cent gay male gaze. Il n’en fallait pas plus pour nous embarquer à bord d’une odyssée érotique et sexuelle où l’exploration des fantasmes et des désirs de Sandro nous plonge dans un univers pop, coloré, langoureux et juteux. Héritier de l’esthétique de Douglas Sirk, qui joue avec des lumières chaudes et excessives pour matérialiser les bouleversements des personnages et des situations, et de Rainer Werner Fassbinder, Daniel Nolasco est l’une des figures de prou du novo queer cinema au Brésil, au même tire que Filipe Matzembacher et Marcio Reolon.
Cette esthétique queer qui sublime les corps dits marginaux parce que gays, queers, trans ou pauvres, révèle leur difficulté à assumer pleinement leur vie érotique, leurs envies, leurs goûts, leurs amours. À l’image de Sandro, dont les fantasmes se heurtent à des conventions politiques et sociales violentes. Peu épanoui dans son travail, les pulsions sexuelles et sa tendresse pour les corps masculins occupent toutes ses pensées. Ses obsessions s’ancrent à la fois dans les verges et les cigarettes qu’il s’autorise seulement à des heures précises. Une façon bien à lui de s’émanciper de l’étiquette trompeuse qu’est « homme à barbe, homme à femme », qui le place au-dessus de tout soupçon et lui permet de mater l’entrejambe des mecs à la piscine avec délice.
Poésie, sexe et jalousie
La toile qui s’étire, dès l’ouverture du film, en faisant de grandes vagues langoureuses et pas très hautes, nous plonge dans une dimension à la fois poétique et spectrale. Tout est lent, comme la sève ou le sperme qui montent doucement à force de caresses et de stimulations acidulées. Cette belle lenteur a tendance à peser un peu sur le récit, comme ces scènes extrêmement étirées, contemplatives avec peu de dialogues, qui privent le film de plus de fluidité narrative.
Cette réserve mise à part, Vent chaud est visuellement resplendissant. La jalousie de Sandro est traitée avec douceur, presque tournée en ridicule tel ce pot en verre de sauce ketchup explosé au sol sur lequel roule Ricardo, y imprimant innocemment ses pneus de voiture. Ajoutons à cela, les scènes pornographiques assumées qui apportent au film son piquant. Ces images crues se transforment en scènes fantastiques dont chacun pourra tirer un plaisir visuel, charnel ou intellectuel. Dans cette longue traversée du désir, les pratiques BDSM ne sont plus filmées comme des tabous ou de sombres comportements, mais plutôt comme des vecteurs de magie et d’enthousiasme, où les mouvements, costumes, accessoires sont au service de la libération de la sexualité. Chaque néon coloré, chaque tenue et chaque ligne de maquillage crée une fusion du corps avec les rêves. Ici pas d’habillage, mais la célébration des cultures LGBTQI+, la tendresse en plus…